L’utilisation de sextoys par les hommes en couple : une révolution intime au masculin

Si les études sur les sextoys ont d’abord porté sur les femmes, les données concernant les hommes se multiplient depuis une quinzaine d’années. Dans une étude menée aux États-Unis, 43,8 % des hommes hétérosexuels âgés de 18 à 60 ans déclaraient avoir déjà utilisé un vibrateur, dont 91 % avec leur partenaire durant un rapport sexuel (Reece et al., 2009).

À l’échelle européenne, 50 à 65 % des adultes utilisent des sextoys, tous genres confondus, dont près de 60 % en contexte de couple (Hald, Malamuth, & Yule, 2024). Du côté français, une enquête IFOP de 2017 révélait que 23 % des hommes avaient utilisé un sextoy avec leur partenaire (IFOP, 2017). Ce chiffre, bien que inférieur à celui des femmes (49 %) (IFOP, 2019), est en nette progression par rapport à la décennie précédente. De même, en 2019, les hommes étaient plus ouverts à l’usage de sextoys qu’en 2007 (IFOP, 2019). Selon une compilation publiée en 2025 par Statista, la proportion d’hommes français ayant utilisé un sextoy au moins une fois est en constante augmentation depuis 1992 (Statista, 2025).

Les sextoys masculins incluent une grande variété d’objets : masturbateurs manuels ou vibrants (de type Fleshlight), anneaux péniens vibrants (cockrings), stimulateurs prostatiques, vibromasseurs périnéaux, dildos , plugs anaux , poupées …, dont certains dispositifs connectés. Ainsi, les partenaires de couple, quelle que soit leur orientation sexuelle, intègrent de plus en plus les sextoys à leurs pratiques : jeux de rôle, stimulation croisée ou réciproque, accompagnement de la pénétration, sextoys connectés à utiliser à distance ou en présentiel...

Contrairement à certaines idées reçues, les hommes qui utilisent des sextoys ne le font pas uniquement pour eux-mêmes. La plupart des utilisateurs déclarent vouloir augmenter le plaisir du couple, en particulier celui de leur partenaire. Par exemple, Castleman (2017) rapporte que 82 % des hommes utilisant un vibrateur en couple le font pour stimuler le clitoris de leur partenaire (Castleman, 2017). Reece et al. (2009) ont également observé que l’usage des sextoys masculins en couple concerne principalement des dispositifs conçus pour enrichir l’expérience commune, et souvent, améliorer le plaisir féminin.

Même chose chez les hommes gays et bisexuels : une étude montre que 78,5 % ont utilisé des sextoys, souvent dans des contextes de jeux sexuels partagés : 62 % utilisaient des dildos et 49 % des vibrateurs, avec un usage en solo (95 %) et en duo (72 %). Et l’utilisation d’un vibromasseur contribue à l’excitation sexuelle, à l’orgasme et au plaisir des deux partenaires (Rosenberger et al., 2010).

La démarche d’utiliser des sextoys à deux est souvent perçue comme un moyen de raviver la complicité, de stimuler de nouveaux fantasmes et de faciliter le dialogue sur les attentes sexuelles. Ainsi, les couples utilisant des sextoys rapportent une satisfaction sexuelle et relationnelle plus élevée (Hald et al., 2024).

De plus, ces objets participent à une meilleure connaissance du corps et à une diversification des pratiques sexuelles. Par exemple, les stimulateurs prostatiques permettent d’explorer une zone érogène encore largement taboue, mais qui peut participer à un orgasme plus intense. Aussi, l’usage de sextoys chez les hommes peut aussi réduire la pression de performance en redistribuant la responsabilité du plaisir au sein du couple (Ruby, 2023).

L'utilisation de sextoys connectés par les hommes cisgenres en couple, par rapport à une utilisation en solo, est associée à un désir sexuel plus élevé, à la capacité à atteindre l'orgasme avec un.e partenaire, et à l’estime de soi sexuelle. Les hommes utilisant des sextoys connectés en couple semblent donc jouir d’un bien-être sexuel supérieur par rapport à ceux qui en feraient un usage solitaire (Dussault et al., 2025).

Toutefois, si les effets positifs sur la santé sexuelle sont de plus en plus reconnus, l’introduction de sextoys dans la vie de couple peut encore susciter des résistances émotionnelles et culturelles.

Dans son travail universitaire, Ruby (2023) s’attarde sur les implications identitaires de l’usage de sextoys par les hommes. Elle montre que pour certains d’entre eux, les sextoys sont perçus comme une menace de leur virilité ou un défi à la performance sexuelle. Toutefois, nombre d’entre eux déclarent aussi y trouver un allègement de la pression de performance, voire une amélioration de leur propre plaisir, notamment via les stimulateurs prostatiques ou les cockrings vibrants.

La sexologue distingue deux grandes attitudes masculines : certains les considèrent comme des « alliés » du plaisir conjugal, tandis que d’autres les perçoivent comme des « rivaux » menaçant leur rôle principal de partenaire sexuel. Quoi qu’il en soit, leur introduction donne souvent lieu à des discussions autour du désir, des fantasmes et des préférences sexuelles, renforçant ainsi l’intimité émotionnelle (Ruby, 2023).

Cette ambivalence est souvent liée à des constructions genrées de la virilité : pour certains, un sextoy utilisé sur eux-mêmes peut symboliser une perte de contrôle ou d’autonomie sexuelle. Certains hommes ressentent aussi de l'insécurité si le plaisir de leur partenaire leur semble davantage dépendre du sextoy que de leur propre apport personnel. Ces perceptions peuvent générer des tensions, surtout si le sextoy est introduit sans discussion ou s’il est vécu comme une contrainte. L’expérience positive repose donc largement sur la qualité de la communication et la construction des pratiques et des scripts sexuels, dans le respect mutuel des avis de chacun.e.

L’acceptation des sextoys masculins dépend aussi des représentations sociales qui les entourent. Alors que les sextoys pour femmes sont plutôt associés à l’autonomie et au bien-être sexuel, ceux destinés aux hommes souffrent encore de préjugés. Ces représentations genrées sont également entretenues par le marketing, qui continue de cibler prioritairement les femmes et les couples hétérosexuels, en invisibilisant les besoins des hommes, des minorités sexuelles et des personnes non-binaires, alors qu’ils les utilisent tout autant (Hanson et Brooks, 2025). Pour dépasser ces blocages, il est nécessaire de remettre en question les normes sexuées qui sous-tendent la conception et la promotion des sextoys et d’ouvrir la voie à une représentation plus inclusive du plaisir masculin.

Comme pour tout accessoire intime, l’usage des sextoys par les hommes doit s’accompagner de bonnes pratiques d’hygiène, d’autant plus que selon une étude, 21,7 % des utilisateurs de sextoys les partagent avec leur partenaire (Wood et al., 2017). Certains ne les nettoient pas systématiquement, augmentant les risques de transmission bactérienne, fongique et d’infections urinaires si les jouets sont utilisés autour de l’anus et de l’urètre (Psychreg, 2025).

De plus, un usage excessif ou compulsif de certains dispositifs peut, à long terme, entraîner une désensibilisation temporaire ou une difficulté à obtenir du plaisir avec la même intensité.

Concernant les sextoys connectés, un usage responsable est absolument nécessaire. En effet, avoir un contrôle sur le dispositif du ou de la partenaire peut entraîner des utilisations non consenties. La sensibilisation au respect mutuel, à la communication et au consentement est donc très importante pour utiliser ces appareils. Ces derniers posent aussi des questions de cybersécurité, de respect de la vie privée et du vol de données extrêmement sensibles (Power et al., 2024).

L’essor des sextoys masculins en contexte de couple n’est pas qu’un phénomène de consommation. Il reflète une mutation profonde de la sexualité contemporaine, marquée par la recherche d’un plaisir plus équilibré, plus conscient et partagé. En intégrant les sextoys à leurs pratiques, les hommes peuvent réinvestir leur corps différemment, explorer de nouvelles zones érogènes, réduire la pression de la performance et renforcer leur complicité avec leur partenaire.

Les sextoys peuvent ainsi devenir des vecteurs de dialogue, d’émancipation sexuelle et de plaisir mutuel. Mais cette transformation ne pourra pleinement s’accomplir qu’à condition de poursuivre une réflexion collective sur les normes de genre, un usage responsable et une ouverture d’esprit. Enfin, nous rappelons que les sextoys n’incarnent pas une obligation ou une fin en soi, mais un moyen parmi d’autres d’accéder à une sexualité plus épanouissante, seul ou à deux.