Deux grandes forces gouvernent nos vies depuis toujours : l’amour et le sexe. Elles inspirent les poètes, nourrissent les œuvres d’art, façonnent nos comportements, nos rêves et parfois même nos sociétés. Pourtant, si elles semblent indissociables dans l’imaginaire collectif, leur relation reste complexe. Peut-on aimer sans faire l’amour ? Faire l’amour sans aimer ? Et surtout, que cherche-t-on vraiment dans ces deux expériences si profondément humaines ?
Aujourd’hui, les relations amoureuses et sexuelles évoluent à grande vitesse. Les applications de rencontre, la visibilité croissante des sexualités alternatives et l’importance donnée au bien-être personnel redéfinissent sans cesse les frontières entre sexe et amour. Pour certains, ces deux dimensions restent indissociables ; pour d’autres, elles relèvent d’expériences totalement indépendantes.
Mais où placer la limite, et comment trouver son propre équilibre dans un monde où tout semble possible ?
Sexe sans sentiments
Le sexe sans sentiments permet une complète liberté de mouvements : être dégagé de toute attache démultiplie les possibilités de rencontre et offre la possibilité de ne pas s’embarrasser des états d’âme de son partenaire.
Par ailleurs, le fait de ne pas éprouver de sentiments pour l’autre peut contribuer à nous valoriser sur le plan narcissique : on se sait être désirable, physiquement attrayant, et cette certitude renforce l’estime de soi.
Le sexe sans sentiments est aussi une réponse à la société actuelle, souvent marquée par la peur de l’engagement ou le besoin de contrôle. Certains y voient une manière de reprendre la main sur leur vie affective, d’autres une façon d’explorer leur corps et leur plaisir sans contrainte morale.
Les nouvelles générations parlent volontiers de “sexploration” ou de “relations situationship”, ces liaisons où l’on s’apprécie sans vraiment se définir.
Cette façon d’agir comporte néanmoins quelques risques. Les voici.
- Risque d'addiction : à force de passer d’un partenaire à l’autre et d’enchaîner les rapports sexuels sans lendemain, une dépendance à la séduction risque de s’installer. Vouloir séduire, toujours plus, pour se sentir exister, et ne plus pouvoir se passer de ce type de rencontre, n’est pas le signe d’une bonne santé psychique. Notre équilibre ne devrait pas dépendre uniquement du désir de l’autre. Le danger est de compromettre la stabilité de sa vie personnelle et de ne plus être capable d’initier un jour une relation sentimentale authentique.
- Risque de malentendu : votre partenaire peut avoir des attentes que vous ne partagez pas. Entretenir l'ambiguïté et ne pas mettre les choses au clair avec lui/elle peut engendrer rancœur, tristesse et frustration.
Il serait néanmoins injuste de diaboliser le sexe sans sentiments : lorsqu’il est assumé, consenti et respectueux, il peut au contraire renforcer la connaissance de soi. Explorer son plaisir, ses limites et ses préférences sans enjeux affectifs peut permettre de mieux se connaître avant d’aimer.
Sentiments sans sexe
Choisir l’amour sans sexe
L'amour est protéiforme, et chacun.e le réinvente à chaque nouvelle expérience. L’amour platonique, par exemple, en est une modalité parmi d’autres. Certains décident, malgré un lien amoureux très fort, de ne plus entretenir de relations sexuelles avec leur partenaire. L’entente physique est absente de cet amour, et chacun y trouve son compte.
Ainsi, il est tout à fait possible d’exprimer la force des liens qui nous unissent à l’autre par de multiples moyens : gestes, attention marquée, paroles aimantes, partage d’émotions, soutien affectif constant, etc. La sexualité ne semble donc pas pouvoir, pour certains, fonder ni exprimer l’amour qu’ils ressentent pourtant véritablement.
Il est cependant important de noter que ce mode de relation n’est viable que lorsque les deux partenaires s’accordent sur ce sujet. Dans le cas contraire, les risques de tensions et de désaccord sont immenses, et la relation menace à long terme de s’étioler.
Subir l’amour sans sexe
L’absence de sexe peut parfois être une situation subie, par l’un ou même les deux partenaires : c’est par exemple le cas des couples “anciens”, chez lesquels le désir décline, mais dont les sentiments demeurent vifs et inentamés.
Les raisons de cet état de fait sont nombreuses : éducation des enfants, contraintes professionnelles, occupations nombreuses, emploi du surchargé… L’amour sans sexe est alors subi, car il ne procède pas d’une intention délibérée.
Il s’avère alors fondamental de privilégier les échanges et de discuter de la situation afin de ne pas laisser les malentendus s’installer. N’hésitez pas à parler de vos désirs, de vos regrets et tentez de mettre en place des solutions pour retrouver progressivement une vie de couple épanouie : revoyez vos emplois du temps respectifs, faites-vous aider pour les tâches matérielles, confiez les enfants à leurs grands-parents ou consultez un thérapeute de couple.
Il ne faut pas négliger non plus le poids de la culpabilité ou du tabou autour du désir. Beaucoup de couples n’osent pas parler de leur manque de rapports par peur de blesser l’autre ou d’être jugés.
Or, la sexualité n’est pas figée : elle évolue avec l’âge, la santé, la fatigue ou même la confiance en soi. Parfois, retrouver une intimité passe simplement par reconstruire le lien émotionnel avant de raviver la flamme physique.
Sexe et sentiments
Le sexe, lorsqu’il coexiste avec les sentiments amoureux, est souvent perçu comme le Graal à atteindre, un Graal parfois jugé difficile à atteindre. Pourquoi cette alliance du sexe et de l’amour, qui offre des gratifcations indiscutables, est-il un must aux yeux de beaucoup d’entre nous ?
Pourtant, combiner amour et sexualité n’est pas toujours simple. Entre attentes différentes, rythmes de désir inégaux et pressions extérieures, beaucoup de couples peinent à maintenir cet équilibre. L’idéal du “sexe parfait avec la personne qu’on aime” peut devenir source de frustration si l’on oublie que le désir se construit, se renouvelle et se cultive.
Connaître son partenaire, ne rien ignorer de son histoire, de ses goûts, de ses désirs et de ses craintes, favorise la mise en place d’une sexualité harmonieuse et apaisée. La compréhension psychologique et émotionnelle de l’autre permet de vivre une intimité naturellement satisfaisante et spontanée, ce qui semble parfois plus difficile lors d’une relation sans sentiments.
Par ailleurs, la confiance que vous accordez à l’autre, et qu’il/elle vous manifeste en retour, est essentielle à une bonne harmonie sexuelle. La communication est fluide, les échanges riches, l’écoute mutuelle renforcée. Chacun.e exprime ses attentes et ses désirs sans craindre d’être jugé(e), et la relation s’enrichit alors sans efforts.
Dernier point, et pas des moindres : dans un climat de confiance, le plaisir augmente. Les préoccupations quotidiennes peuvent être un temps délaissées, au profit d’un but commun et d’une expérience intime inoubliable.
Aujourd’hui, de plus en plus de personnes revendiquent des formes d’amour et de sexualité libres : polyamour, relation libre, couples à distance, relations queer… Autant de manières de repenser la fusion entre le corps et le cœur, sans chercher à reproduire un modèle unique.
Qu’il s’agisse d’amour sans sexe, de sexe sans amour ou d’une union des deux, l’essentiel reste le même : écouter ses besoins, ses émotions et ceux de l’autre. L’amour et le sexe ne sont pas des catégories figées, mais des langages multiples qu’il nous appartient d’apprendre et d’inventer, encore et encore.