Notre sexologue préférée, Louise Paitel, nous éclaire sur ce qui façonne la satisfaction sexuelle et comment mieux comprendre nos besoins pour une vie intime plus épanouie.
La satisfaction sexuelle constitue un pilier essentiel du bien-être individuel et relationnel. Selon la définition de la santé sexuelle proposée par l’Organisation mondiale de la Santé, elle englobe non seulement l’absence de dysfonctionnement, mais aussi un état de bien-être physique, émotionnel, mental et social lié à la sexualité (OMS, 2006).
Or, mesurer sa propre satisfaction n’est pas toujours simple. Faut-il s’appuyer sur le plaisir ressenti, l'orgasme, la fréquence des rapports, l’intimité avec son.sa partenaire, son bien-être physique, psychique… ? En réalité, la satisfaction sexuelle est un phénomène multidimensionnel, façonné par des facteurs tant individuels que relationnels et culturels.
Qu’est-ce que la satisfaction sexuelle ?
La satisfaction sexuelle est « la réponse émotionnelle qui résulte des évaluations d'une personne concernant ses relations sexuelles, incluant la perception de ses besoins sexuels satisfaits, la satisfaction de ses attentes sexuelles et de celles de son.sa partenaire, et une évaluation globale positive des relations sexuelles » (Offman & Matheson, 2005). Cette évaluation est profondément subjective : deux personnes vivant une expérience sexuelle similaire peuvent en tirer un niveau de satisfaction différent (Laxhman et al., 2017).
Prévalence et disparités
En France, environ 88 % des adultes déclarent être satisfaits de leur vie sexuelle, mais des différences de genre existent : 90 % des hommes disent avoir atteint l’orgasme lors du dernier rapport, contre 76 % des femmes, illustrant ce que les anglo-saxons appellent « l’orgasm gap » (Bajos & Bozon, 2008). D’ailleurs, à l’échelle européenne, la France est le pays où l’on retrouve la proportion la plus élevée de femmes insatisfaites sexuellement (35 %) (Kraus, 2021).
Les déterminants de la satisfaction sexuelle
La satisfaction sexuelle dépend de l’interaction entre plusieurs dimensions : psychologiques, physiologiques, relationnelles et socioculturelles (Sánchez-Fuentes et al., 2014).
Les facteurs individuels
Émotions et sensations
Le plaisir ressenti pendant et après l’activité sexuelle constitue un prédicteur clé de la satisfaction. Il inclut l’excitation, les sensations corporelles agréables, la capacité à éprouver du plaisir et à rester connecté.e aux stimuli érotiques, ainsi que le sentiment global d’accomplissement (Sánchez-Fuentes et al., 2014).
À l’inverse, la satisfaction diminue lorsque la sexualité est associée à de la honte, de la peur, de la douleur ou de l’anxiété (Meston et coll., 2024). Les moments du cycle, chez les femmes, peuvent ainsi influencer la capacité à apprécier des sensations agréables, selon la douleur et le ressenti interne.
Concordance entre attentes et expériences
La cohérence entre ce que l’on attend de sa vie sexuelle (fréquence, pratiques, niveau d’intimité, orgasme…) et ce que l’on vit réellement, prédit fortement la satisfaction globale (Sánchez-Fuentes et al., 2014). Sauf si on pratique sa sexualité seul.e, la communication est donc essentielle pour partager ses attentes avec son.sa partenaire.
Fonctionnement sexuel perçu
Les fonctions sexuelles (désir, excitation, lubrification / érection, orgasme…) influencent les sensations agréables et la satisfaction. Par exemple, le corps féminin met davantage de temps que le corps masculin à se « préparer » à l’activité sexuelle. Ainsi, il est important que la phase de désir et / ou d’excitation dure environ 15 minutes pour que la femme soit physiologiquement prête (lubrification, ballonisation du vagin…). Le corps masculin est généralement plus rapide à répondre à l’activité sexuelle (l'érection peut apparaître en quelques secondes ou minutes), même si la phase antérieure de désir peut également être importante (Masters & Johnson, 1966).
Néanmoins, chaque corps est différent et le temps de préparation physiologique peut varier. Aussi, le fait de n’être pas « prêt.e » physiologiquement ou une difficulté physiologique (sécheresse, troubles de l’érection…) n’implique pas nécessairement une insatisfaction : de nombreuses personnes développent des adaptations relationnelles ou des pratiques sexuelles alternatives très satisfaisantes.
Santé mentale, image corporelle et stress
La dépression et l’anxiété, en affectant le bien-être général, ont des répercussions sur la sexualité. Certains traitements pour les soulager affectent aussi le fonctionnement sexuel (les anti-dépresseurs, par exemple, peuvent inhiber le désir sexuel et / ou allonger le temps pour atteindre l’orgasme, ou son intensité). L’insatisfaction corporelle et les pensées intrusives pendant les rapports sexuels réduisent également la satisfaction sexuelle (Pujols et al., 2010 ; Purdon & Holdaway, 2006 ; Meana & Nunnink, 2006).
Les facteurs relationnels et interpersonnels
Qualité relationnelle et intimité émotionnelle
La cohésion du couple, le soutien mutuel, la tendresse et la stabilité affective favorisent une vie sexuelle épanouie (Young et al., 1998). L’insatisfaction sexuelle est au contraire associée à davantage de conflits et à une détresse conjugale (Laumann et al., 2006).
Communication sexuelle
La communication sur ses désirs, ses limites et ses préférences est un déterminant majeur de la satisfaction sexuelle et conjugale (Montesi et al., 2011). Pourtant, la sexualité reste un sujet souvent évité : les partenaires de couple ne connaissent en moyenne que 62 % de ce que l’autre apprécie sexuellement, et seulement 26 % de ce qu’il.elle trouve déplaisant (Byers, 2011). Ainsi, une communication régulière, ouverte et émotionnellement sécurisante favorise la satisfaction sexuelle et relationnelle (MacNeil & Byers, 2009 ; Rehman et al., 2017), peu importe l’orientation sexuelle.
Dans leur étude, Metts et Cupach (1989) identifient trois dimensions primordiales de la communication sexuelle des couples, confirmées, depuis, par d’autres recherches :
- La fréquence à laquelle les couples discutent de leurs activités sexuelles,
- La qualité de la communication, qui comprend les émotions positives ressenties lors des discussions, la satisfaction à l’égard de ces discussions et la sécurité émotionnelle lors des échanges sur les difficultés sexuelles,
- La révélation de soi sexuelle, qui implique de parler ouvertement à son.sa partenaire de ses préférences sexuelles et de son désir d’essayer ou d’adapter certaines pratiques sexuelles.
"Discuter de ses préférences, ses besoins ou ses difficultés améliore la qualité des échanges intimes. Selon une étude, la compatibilité sexuelle, c’est-à-dire la proximité émotionnelle, la communication et la concordance des attentes et des préférences, prédirait jusqu’à 44 % de l’épanouissement sexuel dans les relations amoureuses. Pas de secret, donc : pour être satisfait.e avec un.e partenaire, il faut communiquer ! Et pour être satisfait.e seul.e, se sentir libre de s’explorer (ou pas), selon ses envies / besoins !" - Louise PAITEL, Psychologue clinicienne et sexologue diplômée, chercheuse à l’Université Côte d’Azur de Nice. -
Fréquence des rapports sexuels
La fréquence sexuelle est positivement associée à la satisfaction sexuelle (Hunt, 1974 ; Laumann et al., 1994), mais une fréquence sexuelle moins importante peut être satisfaisante si elle correspond aux attentes des partenaires, de même qu’une asexualité partagée.
Atteinte de l’orgasme
Une fréquence orgasmique plus élevée est associée à une meilleure satisfaction sexuelle et conjugale (Young et al., 2000 ; Singh et al., 1998). Cela dit, le plaisir sexuel ne se résume pas à l’orgasme : la communication, l’intimité et la complicité comptent autant et peuvent largement concurrencer un orgasme sans qualité émotionnelle et relationnelle.
Compatibilité sexuelle
La compatibilité sexuelle désigne le degré de similarité entre les attentes sexuelles des partenaires, sur le plan cognitif (croyances, inhibition), émotif (être sexuellement compris par l’autre, proximité sexuelle) et comportemental (préférences sexuelles et degré de concordance de ces préférences entre les partenaires). Elle expliquerait jusqu’à 44 % de la satisfaction sexuelle dans les couples (Apt et al., 1996 ; Offman & Matheson, 2005).
En revanche, l’incompatibilité, par exemple un décalage durable du désir ou des attentes, peut mener à du stress, des frustrations et une baisse de la cohésion sexuelle. En effet, une étude menée auprès de femmes souffrant d'une baisse de désir sexuel a conclu que les insatisfactions liées aux rapports sexuels avec le mari entraîneraient une accumulation de stress. L’incompatibilité des visions respectives de chacun sur la sexualité (fréquence des relations sexuelles, compréhension mutuelle des désirs, difficulté du mari à concilier ses propres attentes avec celles de l’autre pour faire plaisir à chacun) créeraient un manque de cohésion autour des valeurs de la sexualité, et menaçaient la compatibilité sexuelle. Les compétences et les capacités sexuelles de chacun.e. entraient également en jeu (Hurlbert et al., 2000).
Satisfaction sexuelle et satisfaction conjugale
De nombreuses recherches révèlent l'existence d'une association positive entre la satisfaction sexuelle et la satisfaction conjugale (Byers, 2005 ; Fallis et al., 2016). En effet, la sexualité participe à une plus grande cohésion, une diminution des tensions et de la détresse conjugale, ainsi qu'à un accroissement de l’intimité et de la complicité entre les partenaires (Janus & Janus, 1993 ; Metz & McCarthy, 2007).
Janus et Janus (1993) estiment que la qualité des rapports sexuels influence positivement la résolution de conflits lorsque la dyade est sexuellement satisfaite, et à l'inverse, accentue les difficultés rencontrées en cas d'insatisfaction sexuelle. Ainsi, les variables relationnelles (communication, gestion des conflits, engagement…) prédisent mieux la satisfaction sexuelle que les variables individuelles (Sánchez-Fuentes et al., 2014 ; Starc, 2022).
Influence des normes sociales et de l’éducation sexuelle
Les scripts socio-culturels centrés sur la pénétration, la minimisation du plaisir féminin ou encore les tabous autour de la communication, influencent fortement la satisfaction sexuelle et contribuent à « l’orgasm gap » (Gesselman et al., 2024). De même, la discrimination, l’invisibilisation ou le manque de représentation de la communauté LGBTQIA+ peuvent réduire la satisfaction des couples concernés. Une éducation sexuelle claire, complète, égalitaire et davantage centrée sur le plaisir des deux partenaires pourrait réduire les frustrations et les disparités (Starc, 2022).
Quand s’inquiéter et quand consulter ?
Une consultation avec un.e sexologue peut être indiquée lorsque :
- L’insatisfaction sexuelle persiste et affecte la qualité de vie ou la relation,
- La sexualité s’accompagne de détresse (honte, anxiété, culpabilité),
- Des douleurs, des dysfonctions ou des changements physiologiques (ménopause, traitements hormonaux, interventions chirurgicales) apparaissent,
- Une discordance durable du désir génère des tensions ou des conflits dans le couple.
À noter qu’une insatisfaction « normale » peut apparaître à différentes étapes de la vie. En effet, la satisfaction sexuelle peut diminuer avec l’âge, la durée de la relation, l’arrivée d’un enfant, la présence de maladies chroniques… même si la qualité des relations sexuelles peut aussi augmenter au fur et à mesure des années (plus de connexion, moins de pression de performance, réduction de l’orgasm gap…).
Solutions thérapeutiques
Approches relationnelles
Thérapie de couple, entraînement à la communication sexuelle, exercices de sensate focus et réapprentissage du plaisir peuvent restaurer l’intimité et corriger les malentendus entre les partenaires. Quand elles sont trop difficiles à amener, la communication ouverte sur le plaisir et la négociation des pratiques peuvent être abordées en thérapie de couple ou en sexothérapie.
Approches individuelles
Les thérapies cognitivo-comportementales, le traitement de l’anxiété ou de la dépression et le travail sur l’image corporelle peuvent améliorer la satisfaction sexuelle. Par exemple, en diminuant ses pensées intrusives ou son anxiété de performance, une personne peut retrouver l’espace mental nécessaire pour accueillir ses sensations de plaisir et de lâcher-prise, et donc se sentir davantage satisfaite sexuellement.
Approche médicale
Quand les difficultés sexuelles dépendent de causes organiques (douleurs, troubles de l’érection, éjaculation précoce, ménopause…), des traitements médicaux ou une rééducation périnéale peuvent être indiqués. Les résultats sont encore plus marqués quand ces approches vont de pair avec un travail psychologique individuel. Et bien sûr, recevoir une information claire sur la diversité des pratiques, la notion de consentement, l’importance du désir et du plaisir et la normalité des variations du désir, contribue à une sexualité plus épanouissante (Gesselman et al., 2024).
Conclusion
La satisfaction sexuelle est un indicateur de bien-être, reposant sur l’équilibre entre plaisir, attentes, intimité et santé physique et mentale (McClelland, 2010). Elle est modulable et réversible : les interventions psychologiques, relationnelles, médicales et éducatives offrent de nombreuses possibilités d’amélioration. Reconnaître la diversité des expériences sexuelles et encourager une communication ouverte reste essentiel pour accompagner chaque personne vers une sexualité plus sereine et satisfaisante.
Ce contenu a été écrit par
Louise PAITEL
, Psychologue clinicienne et sexologue diplômée, chercheuse à l’Université Côte d’Azur de Nice. Elle accompagne LOVE AND VIBES en apportant une approche scientifique et bienveillante de la sexualité.
Références
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