Et si on osait poser la question : les personnes en situation de handicap ont-elles une vie sexuelle ? La réponse est simple : bien sûr que oui. Mais la société, elle, a encore bien du mal à l’entendre. Invisibilisée, jugée dérangeante, la sexualité des personnes handicapées est entourée de tabous tenaces. Pourtant, le désir, l’envie d’intimité, de connexion, de plaisir, n’épargnent personne.
Et si l’on arrêtait enfin de penser la sexualité comme un privilège réservé aux corps dits "valides" ? Et si on repensait plutôt le plaisir comme un droit, une liberté, une expression de soi : quelles que soient ses capacités physiques ?
Parler de sexualité et de handicap, c’est parler d’inclusivité
La sexualité est souvent réduite à un imaginaire normé, basé sur la performance, l’agilité, la jeunesse
. Tout ce qui sort de ce cadre dérange. Et pourtant, le handicap n’empêche pas le plaisir — il invite simplement à l’aborder autrement. Plus lentement, parfois. Avec plus de dialogue, d’astuces, d’inventivité, souvent. Mais toujours avec cette même envie : se sentir vivant·e, désirable, connecté·e à soi et aux autres.
La sexualité des personnes en situation de handicap, un tabou persistant
Longtemps, la société a considéré les personnes en situation de handicap comme des êtres asexués. Cette vision erronée, profondément ancrée, a contribué à les priver d'accès à leur propre corps, à leur sensualité, à leur plaisir. Infantilisation, déni de désir, marginalisation dans les médias : les obstacles ne sont pas seulement physiques, ils sont aussi culturels et psychologiques.
Pourtant, le désir ne disparaît pas avec une pathologie, une paralysie ou une maladie chronique. Il s’adapte, se transforme, mais ne s’éteint pas.
Le handicap change-t-il la sexualité ?
Oui, dans de nombreux cas, la sexualité ne se vit pas de la même manière avec un handicap. Mais cela ne signifie pas qu’elle disparaît. Elle peut être plus lente, plus créative, plus attentive. Elle repose davantage sur la communication, l'écoute du corps, le plaisir dans toutes ses formes — pas seulement la pénétration.
Certaines personnes doivent redécouvrir leur corps après un accident ou une maladie, d’autres doivent adapter leurs pratiques à une mobilité réduite, une hypersensibilité ou un manque de tonus musculaire. La sexualité devient alors un terrain d’exploration, loin des standards de performance.
L’accompagnement sexuel : entre besoin et controverse
Dans certains pays comme la Suisse ou les Pays-Bas, l’accompagnement sexuel est reconnu comme un service légitime. Il ne s’agit pas de prostitution, mais d’un accompagnement intime, sensuel ou sexuel, encadré et respectueux. L’objectif : permettre à une personne en situation de handicap d’avoir accès à une expérience corporelle et affective.
En France, le sujet reste controversé. Légalement flou, il divise, même au sein des associations. Pourtant, pour certaines personnes privées de contacts physiques intimes, cet accompagnement représente un véritable souffle de vie.
Le rôle du ou de la partenaire
Dans un couple où l’un·e des partenaires est en situation de handicap, la sexualité repose sur un pilier fondamental : la communication. Il ne s'agit pas de "faire plaisir" par pitié, mais de construire ensemble une intimité réaliste, tendre, adaptée, sincère.
Cela passe par l’écoute des envies et des limites, l’expérimentation de nouvelles pratiques, l’acceptation des rythmes différents. Certains couples choisissent d’utiliser des accessoires, de changer de postures, ou d’introduire d'autres formes de stimulation pour maintenir une complicité érotique.
Sextoys et accessibilité : des outils pour redécouvrir le plaisir
Dans ce contexte, les sextoys peuvent jouer un rôle majeur. Ils permettent de :
- contourner certaines limites physiques,
- gagner en autonomie dans le plaisir,
- retrouver des sensations parfois altérées,
- explorer son corps sans pression extérieure.
Mais encore faut-il qu’ils soient adaptés aux besoins spécifiques.
Des équipements pensés pour l’accessibilité :
- Vibromasseurs à poignée longue pour les personnes à mobilité réduite ou ayant des difficultés de préhension
- Fixations pour maintenir un sextoy sans utiliser les mains
- Coussins de positionnement pour éviter les douleurs
- Harnais ajustables facilitant la pénétration sans effort
Zoom sur le Handy Lover
Le Handy Lover est un dispositif de soutien sexuel. Pensé pour les personnes en situation de handicap moteur, les seniors, ou toute personne dont la mobilité rend difficile l’usage classique d’un sextoy ou d’un rapport sexuel avec pénétration.
Il s’agit d’un bloc en mousse haute densité, à la fois léger et stable, équipé d’une fente centrale dans laquelle on peut insérer un godemichet. Le bloc peut être placé entre les cuisses, sur un lit, un fauteuil roulant ou même au sol, permettant à l’utilisateur·rice de s'y adosser ou de le chevaucher selon ses capacités.
Créé par Rodolphe Brichet, ingénieur, le Handy Lover n’est pas qu’un produit : c’est une réponse concrète à un enjeu social et intime majeur, encore trop peu considéré dans les politiques de santé ou d’accompagnement.
Briser le silence autour de la sexualité et du handicap est un acte militant. C’est reconnaître que le droit au plaisir, au toucher, à la séduction ne s’arrête pas aux portes de la déficience. C’est aussi lutter contre l’isolement et redonner de la dignité.
Des comptes militants comme @handieasy, des associations commeCH(s)OSE, ou des documentaires tels que Yes We Fuck! participent à ce mouvement nécessaire.
Car tant que l'on n'intègre pas toutes les réalités dans notre façon de parler de sexe, alors notre vision du désir restera incomplète.